La direction financière, voie royale vers la direction générale ? [Les Echos]
Catherine Guillouard, Isabelle Kocher, Bertrand Dumazy, Emmanuel Faber, Laurent Mignon, Frédéric Oudéa et Régis Schultz ont un point commun. Outre celui d’être à la tête de leurs entreprises respectives – la RATP, Engie, Edenred, Danone, BPCE, Société Générale et Monoprix -, tous sont, à un moment ou un autre de leur carrière, passés aux commandes d’une direction financière. Peut-on, pour autant, faire de leur exemple une règle et ériger la fonction comme une voie royale vers la direction générale ? « Si l’on regarde les nominations de ces deux ou trois dernières années, ce n’est pas franchement le cas, nuance Caroline Oulié, managing partner du cabinet Boyden Executive Search. La capacité d’un directeur financier à devenir directeur général dépend des secteurs. Cela reste très rare dans l’industrie, où l’on préférera souvent des profils de managers opérationnels, mais plus fréquent dans les services, notamment financiers, ou assimilés, où la finance fait, par essence, partie intégrante du business. »
Surtout, les cas de CFO devenus directement CEO de grandes entreprises ne sont pas légion. Tous, ou presque, ont vécu une étape opérationnelle comme tremplin vers la direction générale. Avant de prendre les rênes de la RATP, Catherine Guillouard avait été nommée directrice générale déléguée de Rexel et étendu sa sphère d’influence au-delà de la stricte fonction finance. Il en va de même pour Emmanuel Faber, directeur général de la zone Asie-Pacifique de Danone avant de prendre la direction opérationnelle du groupe, ou de Régis Schultz qui, après avoir été directeur financier de Castorama, en fut le directeur général adjoint chargé de la logistique, de l’informatique, des ressources humaines et du développement. « L’idée pour le directeur financier est de prendre, à un moment ou un autre, plus d’importance, d’étendre son champ d’action pour sortir du côté technique dans lequel peut l’enfermer sa fonction », abonde Martin Louvet, Senior advisor chez Vauban Executive Search.
Transcender sa fonction
Pour cela, il peut, avant de faire évoluer formellement son périmètre, s’imposer davantage dans les choix stratégiques. « L’étape qui prépare le mieux à devenir directeur général est celle de membre du comité exécutif, assure Sophie Wigniolle, associée d’Eric Salmon & Partners. Les directeurs financiers peuvent se servir de cette opportunité pour transcender leur fonction, exprimer leur leadership, contribuer au projet collectif de l’entreprise et profiter de leurs contacts avec les membres du comex qui ont une vision du marché et du consommateur pour apprendre auprès d’eux. » Avant de poursuivre : « Ils y sont d’autant plus fondés que, dans les faits, ils sont de plus en plus souvent plongés dans les opérations et n’hésitent plus à participer à la conquête de nouveaux clients, à travailler sur des synergies ou des projets de croissance externe, et à analyser les risques inhérents au développement d’un nouveau marché. »
Une position de stratège qui peut permettre au directeur financier de former, à terme, un tandem avec le directeur général. « Dans les entreprises fortement cotées, le directeur financier travaille en binôme avec le directeur général, notamment lors des road shows avec les investisseurs où il est particulièrement exposé. C’est d’autant plus vrai dans les sociétés sous LBO avec des fonds d’investissement au capital où le directeur financier est très sollicité et challengé par cet actionnaire », remarque Martin Louvet. De là à devenir calife à la place du calife, il n’y a alors qu’un pas. « Surtout lorsque l’on sait que, aujourd’hui, une part importante du travail du PDG d’une entreprise cotée consiste à parler aux marchés et à rassurer les actionnaires », conclut Sophie Wigniolle.