Ces financiers qui font le choix du family office [Option Finance]

Le nombre de family offices augmente à travers le monde, porté par une proportion croissante de familles fortunées souhaitant conserver la main sur la gestion de leurs actifs financiers et sécuriser la fortune familiale. Au sein de ces structures, les financiers jouent un rôle croissant. Au-delà de leurs compétences techniques, ils doivent savoir gagner la confiance de leurs employeurs.

Le tout premier family office au monde aurait été fondé par John D. Rockefeller senior en 1882 afin de faire fructifier la fortune familiale. Aujourd’hui, partout dans le monde, on trouve des personnes fortunées qui s’organisent en créant leur propre bureau, chargé de gérer leur patrimoine. Il faut néanmoins distinguer les « multi-family offices » qui offrent aux familles la possibilité de mutualiser leur gestion des « mono » ou « single », entités autonomes destinées à gérer la fortune d’une famille unique, aussi étendue soit-elle. Dans les faits, c’est souvent à partir de 100 millions d’euros d’actifs sous gestion que les familles décident de créer leur propre structure. Au sein des « multi-family offices », les fonctions sont clairement identifiées, voire standardisées, et les talents sont souvent issus de la banque privée. On retrouve ainsi traditionnellement des gérants, des analystes en investissements, des ingénieurs patrimoniaux et des experts du conseil financier.

Une place de confiance au sein de la famille

Pour les « mono-family offices », en revanche, les fonctions peuvent être plus fluctuantes. « Très souvent, la création d’un family office fait suite à la cession d’une entreprise ou d’une industrie par son créateur, explique Martin Louvet, senior advisor, Vauban Executive Search, cabinet de recrutement. Le produit de cette vente permet la création du family office généralement sur des secteurs d’investissement différents. » L’objectif de gestion est clair : pérenniser et faire fructifier le produit de cette vente, afin de le transmettre aux générations futures. Dans ce cas, bien souvent, le directeur financier ou le secrétaire général qui, toute sa carrière professionnelle durant, a accompagné le dirigeant de l’entreprise à succès, est sollicité pour poursuivre sa mission au sein du family office. 

Homme de confiance, il n’est pas rare qu’il prenne la tête de l’entité nouvellement formée. « L’ancien secrétaire général de l’entreprise poursuit souvent sa mission au sein du family office, constate Frederick Crot, président de l’AFFO, Association française du family office. Il dispose d’une connaissance complète de l’historique de la famille, parfois sur plusieurs générations. Il a également la confiance de la famille. C’est souvent lui qui opère le montage patrimonial, juridique et fiscal de la nouvelle entité. » Les profils de ces bras droits du dirigeant sont variés. Si beaucoup sont issus des fonctions finances (responsable administratif et financier ou DAF), leur bagage académique n’est pas homogène. Ils peuvent ainsi avoir gravi les échelons en accompagnant la progression de l’entreprise familiale.

Un nombre croissant de family offices

  • L’augmentation de l’accumulation de richesses par des particuliers fortunés à travers le monde a induit une forte progression du nombre de family offices. 
  • Selon les données compilées par MordorIntelligence, spécialiste de l’intelligence économique, à la fin de l’année 2019, il y avait 7 300 family offices dans le monde, soit une augmentation de 38 % en seulement deux ans. L’Amérique du Nord totalise à elle seule 3 100 family offices, tandis que 2 300 bureaux sont implantés en Europe. L’Asie avec ses 1 300 family offices a connu une augmentation sensible au cours des dernières années. 
  • Pour beaucoup de familles fortunées, la crise de financière de 2009 a marqué un véritable tournant. Après avoir constaté la débâcle des boutiques de gestion, elles choisissent de se constituer en family offices afin de sécuriser elles-mêmes leurs actifs, tout en continuant de s’entourer des gestionnaires d’actifs et des banquiers privés. 
  • Il existerait aujourd’hui, selon plusieurs sources, quelque 8 000 family offices à travers le monde.

Un changement de paradigme

Selon l’adage « vivons heureux, vivons cachés », ces structures étaient jusqu’à très récemment investies en immobilier et en actif réels (art, vignes…). Des poches de monétaire et d’investissements financiers venaient ensuite compléter l’allocation, tandis que la gestion privilégiée était celle du « bon père de famille ». Depuis quelques années néanmoins, les experts constatent un changement profond de leur rapport à l’investissement. « Les familles sont de plus en plus actives sur leur patrimoine financier et sur le choix de leurs investissements, constate Frederick Crot. Les jeunes générations notamment s’emparent de la partie financière pour y mettre leurs valeurs et leurs convictions. » Il souligne que ces familles sont par essence, proches des entreprises non cotées et aiment investir en direct pour accompagner le développement d’une organisation. Un constat largement partagé. « Désormais, les familles prennent davantage de risques en se positionnant sur des entreprises innovantes et des start-up, souligne Martin Louvet. Cela se traduit par une volonté de gestion plus personnalisée et plus dynamique qu’auparavant. » Cette prise de risque, loin de la logique de rente de situation, se traduit par la recherche de talents spécialisés dans l’investissement. « Aujourd’hui, nous avons des demandes pour des profils de type M&A ou TS », explique Martin Louvet.

«Rares sont les talents venus au sein des family offices qui font marche arrière pour retrouver le formalisme et les exigences de performance immédiate de la banque privée.»

Evelyne Brugère Vice-présidente exécutive,  Association française du family office (AFFO)

Des profils banque privée et M&A

En mars 2023, Dentressangle Capital, family office issue de la cession du groupe de transport Norbert Dentressangle opérée en 2015, a réalisé le recrutement d’Arnault Tesnière au poste de directeur de l’investissement. Un profil très M&A qui dispose d’une expérience au sein de Rallye, la holding du groupe Casino, où il a participé à de nombreuses opérations de fusion-acquisition. Il dispose également d’une expérience au sein d’un fonds de private equity spécialisé dans les small caps. De même, Creadev, le fonds d’investissement de la famille Mulliez (Auchan, Leroy Merlin) s’est doté d’une équipe investissement particulièrement développée. L’entité, qui dispose d’une capacité annuelle d’investissement de 250 millions d’euros, réalise cinq à dix nouveaux investissements chaque année. Creadev est donc particulièrement structurée en interne avec des équipes investissements œuvrant depuis l’Asie, l’Afrique, les Etats-Unis et l’Europe. Au sein de ces équipes investissements plus ou moins développées se trouvent des profils juniors justifiant de cinq à dix années d’expérience, en provenance des transaction services et du M&A, et des profils plus expérimentés à même de sourcer les affaires. Dans ce cas, la connaissance sectorielle du marché que cible la famille est particulièrement recherchée. Leur champ de compétences doit alors inclure le sourcing d’entreprises, l’évaluation, la préacquisition et la modélisation financière de la rentabilité attendue. Bien qu’accompagnés d’équipes légales en interne et de conseils, ils doivent également disposer d’une solide culture juridique.

«Désormais, les familles prennent davantage de risques en se positionnant sur des entreprises innovantes et des start-up. »

Martin Louvet, Senior advisor,  Vauban Executive Search

Une relation de très long terme

Au-delà de ces compétences techniques, la culture du secret et la discrétion sont deux soft skills indispensables. Autre prérequis : une confiance mutuelle et un alignement d’intérêts. « Il n’existe pas, à ma connaissance, de “mercato” au sein des family offices, explique Frederick Crot. En effet, un profil qui conviendra à une famille pour un même poste ne conviendra sans doute pas du tout à une autre. » En cas de mauvais recrutement, l’histoire s’écourte très rapidement. De fait, impossible de faire semblant tant la proximité avec la famille est inhérente au travail du financier. Il faut donc s’assurer que la nouvelle recrue adhère aux valeurs et aux convictions d’investissement de la famille. En revanche, lorsque les deux parties s’entendent, c’est souvent pour une très longue période. « Lorsqu’un financier entre en family office, il y entre pour une très longue période, voire pour toute sa carrière », constate Evelyne Brugère, vice-présidente exécutive de l’AFFO, Association française du family office.

Quelles possibilités d’évolution s’offrent alors à ces profils financiers ? C’est souvent sur les missions confiées que le poste va évoluer. « Au fil du temps, un spécialiste de l’investissement sera amené à gérer un deal flow plus soutenu », explique Martin Louvet. Il pourra alors constituer une équipe et devenir chief investment officer. « Dans ce cas, le CIO n’instruit pas les dossiers, il se concentre sur la composition du portefeuille via des fonds mais également en direct en se positionnant sur des entreprises », relève Frederick Crot.

Entre 100 000 et 200 000 euros de salaire pour un directeur financier ou un investment manager

  • En Europe, le salaire moyen d’un CEO de family office s’établit entre 200 000 et 260 000 euros bruts annuels. A cette somme, il faut ajouter des bonus qui peuvent grimper jusqu’à 30 % du salaire brut annuel. C’est ce que révèle une étude livrée par KPMG Agreus et baptisée « 2023 Global Family Office Compensation Benchmark Report ». 
  • Les CEO de ces structures sont expérimentés avec un âge moyen qui se situe le plus souvent entre 45 et 56 ans. Ils sont majoritairement à la tête d’une petite équipe (la plus fréquemment de moins de dix personnes). 
  • Si la fonction de CEO peut recouvrir des fonctions finance, les fonctions purement financières présentent également des niveaux de salaire élevés. Ainsi, selon les données KMPG Agreus, le salaire moyen d’un investment manager ou d’un chief financial officer se situe entre 100 000 et 200 000 euros bruts annuels. 
  • A noter, les salaires les plus élevés se situent aux Etats-Unis, où un CEO de family office gagne entre 240 000 et 300 000 euros bruts annuels, bonus non compris.

Une réponse à une quête de sens de plus en plus forte

Du côté des talents, la motivation à rejoindre ces structures familiales est à rechercher du côté de la nature même de l’activité, synonyme d’investissement à long terme, loin de la recherche de la performance immédiate. « Un family office n’a pas la nécessité de passer par la case “levée de fonds”, explique Martin Louvet. Par ailleurs, et contrairement à un fonds, un family office peut détenir plus longtemps une participation en portefeuille. » Pour un projet coup de cœur, ces structures sont capables de casser leur tirelire. Etant entendu que chaque famille dispose déjà de moyens suffisants pour assurer son train de vie, chaque family office a sa propre teinte qui est fonction de l’appétence de la famille pour un secteur ou un projet philanthropique. Certaines familles s’engagent en faveur de l’éducation ou de l’environnement, tandis que d’autres vont développer une appétence particulière pour l’art ou les actifs réels. Si le niveau de salaire proposé est largement aligné sur les salaires proposés en banque privée ou en M&A, c’est avant tout l’agilité permise par l’organisation et les objectifs poursuivis qui séduisent les talents. « Au sein d’un family office se créent des liens très forts, conclut Evelyne Brugère. D’un point de vue humain, c’est une expérience extrêmement riche. Rares sont les talents qui font marche arrière pour retrouver le formalisme et les exigences de performance immédiate de la banque privée. » Voilà de quoi limiter le turnover de cette activité…

Chloé Consigny pour Option Finance

Publié le 13 juillet 2023 à 11h30

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